Unfortunate me & Lucky Strike

Publié le 5 Février 2015

Je ne sais pas ce qu’il s’est passé dans ma tête, mais alors que j’arrive péniblement au bout de 24 heures sans la moindre inhalation de nicotine, j’ai envie de courir braquer le premier tabac du coin. Sauf qu’il est 22 heures. Le buraliste, ça fait longtemps qu’il est calé dans son fauteuil avec sa pipe et son canard.

 

Il y a trois jours. Mon fils tient le paquet de cigarettes qui traînait sur la table de la cuisine dans sa main. Il me montre la photo dissuasive imprimée dessus et me demande de laquelle des deux paires de poumons je me rapproche le plus. Pour finir par me dire que mon poumon gauche doit être blanc, et le droit, noir. Des trémolos dans la voix pour me dire qu’il faut vite que j’arrête avant de finir comme « ton papi qui avait très mal au poumons et qui est mort ». Oui. Certes.

 

Il y a presque neuf ans de ça, j’avais déjà arrêté de fumer une première fois. J’étais étudiante, fumais comme un pompier, jusque dans mon lit, et me réveillais le matin avec un goût de mort dans le fond de la gorge. J’ai arrêté du jour au lendemain, sans regret. Facile. Du moins je ne me souviens pas avoir galéré plus que ça. Genre trop balaise, la meuf. 25 clopes par jour, mais aucun syndrome de manque. Les 6 kilos en plus ? Bah ! Le stress des exam’… Ouais tu parles…

Enfin toujours est-il qu’à ce moment là, j’étais déterminée.

Là, ma principale motivation à arrêter cette putain de dépendance, c’est l’image d’une mère célibataire les dents pourries assise dans le bureau de l’assistante sociale et pleurant pour avoir des aides qu’elle ira dépenser en clopes plutôt qu’en vêtements chauds pour ses gosses.

 

J’ai pas la thune pour mes excès. Fumer, ce loisir de riche…

 

Dieu que cette journée m’a paru longue… D’autant plus que, comme un symbole, je me suis enchaînée à mon appartement, grâce à mes deux boulets de fils, producteurs au réveil  de déchets malodorants dans le fond du chiotte. Assignée à résidence. Non, non non non tu ne craquera pas.

Ce matin à huit heures,  j’appelais donc les écoles pour leur dire que dans ma lutte contre la drogue j’avais décidé de garder mes enfants ce jour, considérant que si nous survivions tous les trois à mon sevrage brutal alors la victoire serait assurée.

Mais rien à foutre de la victoire ! Filer moi une clope, du papier de verre et du foin, je m’en fous, putain j’en crève !

 

À neuf heures, comme je refusais d’ouvrir les volets pour ne pas pleurer en voyant mon balcon sur lequel ce matin je n’irais pas fumer ma clope avec mon café, Arthur s’en est chargé. Avant de se re vautrer comme une merde sur le canapé, le pouce en bouche. Etant donné qu’il y a 2 ans, notre deal c’était « quand maman arrête de fumer, tu arrête de sucer le pouce » je l’ai pas lâché le gosse. En me disant que peut-être à la fin de la journée, il me supplierait de retourner m’acheter des cigarettes. Ben non, parce qu’à ce rythme, comment elle payera l’orthodontiste, maman, dans 6 ou 7 ans ?

 

Neuf heures trente-sept, première envie de chialer. Comme ça, comme une femme enceinte tellement saturée d’hormones que le trop plein lui sort par les yeux. Ça faisait QUE deux heures trente que j’étais levée, et j’étais déjà au bout de ma vie. J’avais mangé 5 muffins, ceux que j’aurais du apporter chez une copine pour le café si la gastro n’était pas passée par là, et le sixième criait mon nom, alors que d’habitude, je ne déjeune pas, le matin.

 

Putain putain putain, mieux vaut crever d’un cancer de la gorge ou d’obésité morbide ?

 

La bouffe m’appelle, il faut que je me remplisse, je passe en revue le contenu de mes placards et me rabat sur une tisane. Je dois faire diversion. Je dois avoir les mains occupées. Je fais le ménage, je fais le repassage, je prépare le repas, je change la litière du chat, je fais tourner une machine, et je me bouffe la peau autour des ongles.

 

À quinze heures, les larmes me sont montées 5 ou 6 fois déjà, les gamins ont épongés 18 gueulantes, je ne vois plus qu’une solution pour sortir de cet enfer : hiberner. M’endormir pendant 15 jours, 6 mois, le temps qu’il faut pour que ça passe. Réveillée, je n’y arriverai jamais. Ou alors je vais prendre 28 kilos.

Seize heures on se réveille pour le goûter. Du coup, j’ai fini les muffins. Il y en avait 24 hier soir ; oui oui…

 

En interne, c’est une lutte incessante entre pour et contre, et c’est juste un miracle que je ne sois pas encore allée acheter un paquet. Je suis en souffrance, et je ne sais pas pourquoi j’ai tellement envie de pleurer, et ça m’énerve que ce soit aussi dur, et je l’aimais bien cette petite clope d’après avoir donné la douche aux petits quand la journée avec eux est bientôt finie, elle annonçait celle de quand ils sont enfin couchés, et elle était vraiment bien aussi celle-là. Et qu’est-ce que je vais faire de tous ces moments où justement à part fumer je ne faisais rien ?

Tout ce vide putain ça m’angoisse. « Combler le manque par d’autres plaisirs » … Mais mon plaisir, c’était quand même beaucoup ça, aussi. Fumer !

C’est de la connerie d’arrêter la clope pour des raisons financières. Je me sens punie. Je n’en tire strictement aucune gloire, et ça ne me donne pas envie de faire plus de sport.

Je m’en veux d’être excessive, de ne pas savoir me contenter d’une clope occasionnelle, d’être radicale dans mes choix, de prendre ou tout ou rien.

C’est un cap à passer. Je le sais. Quitter l’état de manque pour atteindre la sacro-sainte liberté, celle où tu n’engraisses pas l’état, où tu ne ruines pas ta santé ni ton compte courant. Mais c’est quand même aussi un putain de déchirement au passage.

 

Les addictions, ce fléau…

Rédigé par Je

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M
Ola dur dur rien qu'à te lire... Ou es tu aujourd'hui +28 kilos ou le poumon droit noir ?
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